LES CONTINENTS ET LEUR DYNAMIQUE

CHAPITRE 3 : La formation des chaînes de montagne

Les océans naissent de la déchirure d'un continent au niveau d'un rift. Ils s'élargissent par accrétion de roches de nature basaltique au niveau des dorsales. Ainsi, les océans naissent, grandissent et disparaissent lorsqu'ils passent en subduction. Cependant, lorsque toute la lithosphère océanique est passée en subduction, les continents de même densité s'affrontent : c'est la collision à l'origine de la surrection de grandes chaînes de montagne (les Alpes, l'Himalaya).

Pb : De nombreuses études géologiques menées dans les chaînes de collision ont apporté les preuves de la disparition d'un océan dans ces régions. Quels sont les témoins de cette histoire ? (nous ne choisirons pas l'Himalaya pour cette étude mais une chaîne de collision beaucoup plus proche de nous : les Alpes)

I- Les traces d'un ancien domaine océanique

1- Organisation de la lithosphère océanique

 

 

Pillow lavas sur le flanc du volcan Taehitia par 2771 m de fond. Photo : Ifremer
Un fumeur noir témoin d'une activité hydrothermale permettant l'installation de la vie (source)

 

Ces chaînes linéaires présentent fréquemment des discontinuités (tous les 10 à 100 km), les failles transformantes. L'étude de ces vallées transversales est particulièrement intéressante car on accède ainsi à une coupe de l'écorce terrestre.
Au milieu de tous les océans, ces massifs dominent les plaines abyssales de quelque 2000 mètres et constituent donc des barrières à peu près ininterrompues pour la circulation océanique profonde.
Malgré leur masse, la présence des dorsales n'a été pressentie qu'à la fin du XIXème siècle. Et il faudra attendre 1961 pour en avoir la première carte complète. C'est l'oeuvre de Marie Tharp et Bruce Heezen du Lamont Geological Observatory (Etats-Unis). C'est également Marie Tharp qui, la première, signale en 1952 l'existence d'une vallée, le rift, dans l'axe des dorsales.

Source : Ifremer

Les premières images transmises par les sous-marins ont montré des basaltes aux formes arrondies : les pillows lavas. Sous l'eau, la coulée prend la forme de tubes de lave de quelques dizaines de centimètres de diamètre, refroidis par l'eau à leur périphérie. Sous l'effet de la pression interne, le tube se fissure et laisse échapper une nouvelle coulée de lave prenant à son tour la forme d'un tube qui se fissure à nouveau pour former un pillow lava et ainsi de suite.

L'eau s'infiltre par les nombreuse failles, se réchauffe et rejaillit par endroit, très chargée en minéraux : ce sont les fumeurs noirs, témoins d'une activité hydrothermale à l'origine de tout un écosystème.

 

2- Un exemple d'ophiolite : le Chenaillet (Alpes)

Document 1 : le massif du Chenaillet (à l'Est de Briançon, Alpes)

Le massif du chenaillet est composé de roches sombres de couleur verdâtre, appelées depuis longtemps ophiolites en raison de leur aspect de « peau de serpent ». Une observation plus détaillée permet de mettre en évidence trois types de roches : des basaltes (souvent agencés en coussins imbriqués les uns dans les autres), des gabbros et des péridotites.
Les gabbros présentent parfois des auréoles d’amphibole (hornblende et actinote) et de chlorite autour des pyroxènes : ces minéraux sont caractéristiques des basses pressions et basses températures.
Dans cette zone on trouve aussi une roche sédimentaire déformée très particulière : la radiolarite. Cette roche est formée par l’association de « coquilles » de radiolaires : des éléments du plancton marin. Ce type de sédiment se dépose de nos jours à grande profondeur dans les océans.

D'après "Comprendre et enseigner la planète terre", Caron et al, Ophrys

Radiolarite : sédiment rouge, très fin composé de tets siliceux témoins d'une sédimentation en milieu profond.

NB : dans les plaines abyssales (entre -2000 et -6000 mètres), les sédiments sont constitués par les tests calcaires ou siliceux des êtres vivants planctoniques. Au delà de 4000 mètres de profondeur, seuls les tests siliceux peuvent sédimenter car les tests carbonatés sont dissous avant d'atteindre le fond.

Document 2 : La dalle aux Ammonites (Dignes, réserve géologique de Haute Provence)

La dalle aux Ammonites (Dignes)

"Voila 200 Ma, la mer recouvrait toute la région dignoise. Dans ses eaux vivaient des ammonites, des nautiles et de nombreux lamellibranches. Sur ses fonds se déposait lentement une succession de couches de boues calcaires argileuses. Fait exceptionnel, plus de 1500 ammonites sont venues mourir ici sur un fond marin. A leur mort, leurs corps se sont détachés de leurs coquilles qui sont tombées sur le fond. Emplies d'eau et de sédiments, elles se sont peu à peu dissoutes mais les sédiments, en se transformant en roche, en ont gardé l'empreinte. 90% de ces animaux sont des ammonites du genre Coroniceras multicostatum, une espèce du Sinémurien. Elles sont accompagnées de nombreux pectens, bivalves et pentacrines qui permettent d'estimer la profondeur du fond à 250 mètres (plateau continental)" (extrait du panneau de la réserve)

Des lambeaux de lithosphère océanique peuvent se retrouver dans les chaînes de collision : ce sont les ophiolites. Les roches qui les constituent (péridotites métamorphisées = serpentinites, gabbros et basaltes) sont les vestiges d'un ancien plancher océanique qui a échappé à la subduction par un phénomène d'obduction et qui se retrouve aujourd'hui à 2000m d'altitude!

Certaines roches sédimentaires confirment la présence d'un océan alpin et permettent, par les fossiles qu'elles contiennent, d'estimer sa profondeur.

Remarque : le mécanisme de l'obduction est hors-programme

II- Les traces d'une marge continentale passive

1- Caractéristiques d'une marge passive

Extrait du manuel de 1ère S Bordas 2007 p 313

 

La croûte s'amincit progressivement au fur et à mesure que l'on s'éloigne du continent : son épaisseur passe de 35 à 10 km.

Une marge passive est caractérisée par des failles normales en escaliers qui témoignent d'une extension passée au moment de l'ouverture océanique (phase de rifting). Durant cette période, la courbure des failles a provoqué un basculement des blocs.

Le principe de recoupement implique que :

- les sédiments qui constituent le sommet des blocs basculés sont antérieurs aux failles normales liées à l'extension = sédiments anté-rifts.

- les sédiments disposés en éventail entre deux failles listriques (courbes) sont contemporains de l'extension = sédiments syn-rifts.

- les sédiments reposant en discordance sur l'ensemble des blocs sont postérieurs au jeu des failles = sédiments post-rifts.

 

2- Les vestiges d'une marge passive dans les Alpes

D'après "De l'océan à la chaîne de montagnes - Tectonique des plaques dans les Alpes", Lemoine et al, Géosciences

La coupe de cette région montre des blocs basculés, séparés par des failles normales. Ils témoignent de la phase de rifting qui initie la mise en place d'un océan et que les sédiments peuvent dater :

Les sédiments du trias sont déposés horizontalement sur le socle primaire. Il s'agit de la sédimentation anté-rift : au trias (-245 à -205 Ma) la croûte continentale n'était pas encore fracturée.
Les sédiments du Jurassique inférieur et moyen se déposent en éventail. Il s'agit des sédiments syn-rift qui témoignent de la période de rifting datée vers -205 à -145 Ma.
Les sédiments du Jurassique supérieur se déposent horizontalement. Il s'agit des sédiments post-rift qui témoignent de l'arrêt du rifting et de la mise en place vers -140 Ma d'une croûte océanique que l'on retrouve dans les alpes sous forme de complexe ophiolitique. L'océan alpin qui sépare l'Europe de l'Afrique se met en place.

 

III- Les témoins d'une ancienne subduction

1- Les roches métamorphiques caractéristiques d'une zone de subduction

TP 13 : Les roches caractéristiques d'une zone de subduction

2- Répartition géographique des roches métamorphiques dans les Alpes

Les ophiolites présentes dans le massif du Chenaillet se retrouvent à de nombreux autres endroits dans les Alpes. Toutes les ophiolites alpines n’ont pas la même composition minéralogique.
Le document ci-joint montre la composition minéralogique de deux autres roches prélevées dans des complexes ophiolitiques alpins.

Carte issue d’un livret guide prépa concours de fac de Dijon publié dans la banque de schéma svt / photos du milieu issues de la banque de photos svt / photos de droite de C. Nicollet

 

La présence de deux types de métagabbros au niveau du mont Viso traduit des conditions de HP/BT. Ces conditions ne se trouvent qu'au niveau d'une subduction. On peut donc en conclure que les roches du mont Viso sont des roches de la croûte océanique qui se sont transformées lors de la subduction de l'océan alpin sous le continent africain. Cette subduction a conduit les roches vers un métamorphisme de HP/BT à l'origine d'une déshydratation de la croûte océanique.
La présence du mont Viso au sommet des alpes montre que la collision a permis la surrection de cette lithosphère subduite.

Pb: Quelles sont les conséquences de la collision continentale

IV- Les conséquences de la collision continentale

1- Une déformation de grande ampleur

Modèle expérimental en plasticine de la collision Inde-Asie : modèle de Tapponnier.

Source : http://maitres.snv.jussieu.fr/ressources/teledec/collision.htm#_Hlt53136579

L'Inde, chasse-neige ou bulldozer ?
« Une première image s'impose pour décrire cette rencontre : un bulldozer, l'Inde élève des montagnes en enfonçant la croûte de l'Asie. Mais l'Asie a été pénétrée sur près de 2 000 km, et seule la moitié de toute cette matière déplacée suffit à édifier les montagnes. Un morceau du continent, de 1 000 km de large, est donc porté manquant. Imaginons maintenant que l'Inde se soit comportée aussi en chasse-neige, elle aurait chassé des blocs entiers de croûte sur le côté. Nous avons simulé ce processus en enfonçant un poinçon rigide, figurant l'Inde, dans un bloc de pâte à modeler. Celui-ci était maintenu à l'ouest, comme l'Asie centrale l'est par l'Europe. Il restait libre à l'est, car la plaque Pacifique plonge sous le continent. En s'enfonçant, le poinçon chasse vers l'est deux parts de « gâteau » successives, dont la similitude est troublante avec l'Indochine et la Chine. Ce modèle suggérait une zone de glissement au nord de l'Indochine, à l'emplacement de la faille du Fleuve Rouge. Or, nous avons découvert, de part et d'autre de la faille, des roches aujourd'hui distantes de 800 km alors qu'elles étaient face à face il y a 30 millions d'années. L'Inde a donc bien fait glisser l'Indochine et la Chine vers l'est, ce qui rend compte des 1 000 km qui manquaient à l'hypothèse “bulldozer”. »

Paul Tapponnier, Laboratoire de tectonique et mécanique de la lithosphère,CNRS - IPGP - Univ. Denis Diderot

Source

Les conséquences des collisions continentales sont très étendues latéralement. La géographie de l'Indochine par exemple est le résultat de la collision de l'Inde avec l'Asie.

 

2- La formation d'un relief bordé de bassins sédimentaires

Source

 

L'épaississement induit par les déformations s'observe également en profondeur sur les profils sismiques : les nappes s'empilent les unes sur les autres et forment un prisme de collision. Les racines crustales d'une chaîne de montagne peuvent atteindre aisément les 60km (rappel : la croûte est épaisse en moyenne de 30km!)

Les géologues parlent d'orogénèse pour les mécanismes à l'origine du relief.

L’épaississement crustal induit une charge qui est à l’origine d’une flexure de la lithosphère. Il en résulte un bassin à l’avant de la chaîne. L’excès de matériel érodé s’accumule dans un bassin flexural. Les molasses sont des dépôts sédimentaires détritiques épais de plusieurs centaines de mètres, composés de blocs, de sables et de particules plus fines.