ENJEUX PLANETAIRES CONTEMPORAINS : ATMOSPHERE, HYDROSPHERE, CLIMATS, DU PASSE A L'AVENIR

CHAPITRE 2 : l'évolution récente de l'atmosphère et du climat

Habitations des Indiens Kuna, Iles Robeson, archipel des San Blas, Panama. Photo : Yann Arthus Bertrand (Source)

Menacés par la hausse du niveau des eaux, les petits archipels sont les premiers à militer pour que la communauté internationale s'engage à réduire les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique.

Pb : Quel est le lien entre l'évolution de la composition atmosphérique et le climat ? Comment les scientifiques ont-ils accès aux climats du passé ?

I- L'étude des glaces polaires

1- Les différentes informations tirées des carottes de glaces polaires

Logiciel Vostok de P.Perez (http://pedagogie.ac-toulouse.fr/svt/serveur/lycee/perez/clindex/clindex.htm)

Le 5 février 2012, les Russes ont pour la première fois, et après vingt-trois ans de tentative, réussi à percer les 3 769 mètres de la calotte glacière (neige glacée + glaces d’accrétion) pour atteindre directement la surface du lac. A -2,6°C en moyenne, l’eau y est maintenue liquide sous l’effet de la pression (350 bars, soit grosso modo 350 fois celle de l’atmosphère) mais aussi grâce à la chaleur qui s’échappe de la Terre et qui reste bloquée sous la chape de glace.

Le trou créé par le forage a créé un phénomène d’aspiration : de l’eau de Vostok est remontée dans le puits, dégageant, paraît-il, une odeur de vase. Elle n’a été prélevée que quelques mois plus tard, gelée. L’étudier prendra des années.

Source

Une image du lac Vostok. Le forage est situé à l’extrémité sud du lac.

Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de l'Environnment (LGGE) - Saint Martin d'Hères. Source : CNRS, Photo : R. Delmas.


Que mesure-t-on?

L'analyse des bulles d'air emprisonnées dans la glace permet de retracer l'histoire du dioxyde de carbone et du méthane, sur des périodes allant de quelques dizaines d'années à plus de 200 000 ans, incluant ainsi plusieurs cycles climatiques. La neige, perméable à l'air lors de son dépôt, se tasse progressivement sous son poids, enfermant ainsi l'air sous forme de bulles dans la glace. Ces bulles représentent environ 10% du volume des glaces. Lors de leur fermeture, vers 80 mètres de profondeur, elles sont définitivement isolées de l'atmosphère. A cette profondeur elles voisinent avec de la glace déposée il y a environ 2 500 ans en Antarctique au site de Vostok et 250 ans au Groenland au site de Summit où l'accumulation est beaucoup plus grande.
La chronologie des carottes de glaces est faite de façon absolue sur les derniers 15 000 ans à Summit (Groenland), où l'accumulation est suffisante, par comptage des couches saisonnières. Autrement elle est faite généralement par modélisation de l'écoulement des calottes glaciaires. La température de la neige au moment du dépôt est enregistrée dans la carotte par la composition isotopique de la glace, que ce soit 18O ou le deutérium. Cet enregistrement permet d'identifier les stades climatiques glaciaires et interglaciaires.
A l'heure actuelle les analyses des carottes polaires permettent de remonter à plus de 200 000 ans à Vostok (Antarctique) et 100 000 ans à Summit (Groenland).

Source : http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/glacesarchiv.html

Les points représentent les moyennes annuelles de la température et de la composition isotopique des précipitations (neige) mesurées en différents endroits. Cette relation empirique est utilisée pour quantifier les variations passées de température à partir des variations isotopiques enregistrées dans les glaces polaires. Document transmis par Gilles Delaygue, CEREGE, Europole de l'Arbois. Source : Jouzel J., C. Lorius, S. Johnsen and P. Grootes, Climate instabilities : Greenland and Antarctic records. Compte Rendu de l'Académie des Sciences de Paris. vol. t. 319, série II, 65-77, 1994.

 

Les carottes de glace polaires fournissent 3 précieux indices aux paléoclimatologues :

- Les stries annuelles permettent une datation assez fine des échantillons.

- Les bulles d'air piégées par la glace permettent de connaître la teneur en gaz à effet de serre (CO2 et CH4) de l'atmosphère au moment du dépôt.

- Les rapports isotopiques de l'oxygène et de l'hydrogène composant les molécules d'eau de la glace varient en fonction de la température atmosphérique.

Les résultats obtenus à Vostok au cœur de l'Antartique ont montré une parfaite concordance entre les différentes données depuis 420000 ans : des grandes périodes froides (glaciaires) marquées par une baisse du delta 18O (ou du delta D), des taux de CO2 et de CH4, ont alterné avec des périodes chaudes (interglaciaires) caractérisées par des hausses de ces mêmes indices

Pb : Comment fonctionne le "thermomètre isotopique" ?

2- Le fractionnement isotopique : la clé pour comprendre les variations du delta 18O

Activité : visionner l'animation de P.Perez "oxygene" et formuler le principe du fractionnement (http://pedagogie.ac-toulouse.fr/svt/serveur/lycee/perez/clindex/clindex.htm)

Source : E. Lacouture

Au cours de l'évaporation, dans les régions plus proches de l'équateur, l'16O passe préférentiellement dans la phase gazeuse et 18O reste dans la phase liquide (l'eau de mer). Les masses d'air remontant aux pôles se refroidissent et l'eau vapeur se condense et précipite : l'18O passe majoritairement dans la phase liquide (la pluie) et cela appauvrit d'autant plus le nuage restant en 18O. Au final, c'est donc une neige très enrichie en 16O qui précipite aux pôles : 18O/16O est très faible.
Le même raisonnement peut être appliqué au deutérium : aux pôles, la neige est enrichie en 1H et appauvrie en deutérium (D = 2H) donc le rapport D/1H est faible.
Plus il fait froid plus la masse d'air va se condenser rapidement au cours de son ascension vers les pôles et plus le fractionnement isotopique sera important : la chute des rapports est alors accentuée.

Les rapports 18O/16O et D/1H de l'eau de la glace sont donc fonction de la température de l'air au moment de la chute de neige : plus il fait froid, plus ces rapports sont faibles.

Exercice :

1) Utiliser un tableur type Excel pour traduire des données brutes en courbe interprétable.

Données :  GRIP ------Greenland o18/o16 isotopic ratio:ICE CORE GRIP.cdf Oxygen 18 isotopic ratio -------NAME OF DATA SET: Greenland Ice Core Project Summit Core 18O LAST UPDATE: 12/15/93 (Original receipt by WDC-A Paleo) GEOGRAPHIC REGION: Greenland PERIOD OF RECORcD: 0-250,000 yearsBP

2) Interpréter les fluctuations du "delta" 18O mesuré dans la carotte de glace et noter sur le graphique les périodes froides en bleu et chaudes en rouge (avec photofiltre par ex)

Aide

II- L'étude des nanofossiles

1- Les foraminifères

TP : Observation de foraminifères

The JOIDES Resolution cruises the globe sampling sediments from the bottom of the world’s oceans. The ship is capable of drilling holes over 2,100 meters (6,890 feet) below the sea floor in water up to 8,000 meters (26,000 feet) deep. (Photograph courtesy JOI Alliance/IODP)

Carotte de sédiment (image : CNRS)

SEM micrographs of four benthic foraminiferans (ventral view) from the USGS. Clockwise from top left: Ammonia beccarii, Elphidium excavatum clavatum, Buccella frigida, and Eggerella advena.

Les Foraminifères sont un groupe de protistes caractérisés par un test composé d’une ou plusieurs chambres et fait de calcite précipitée par la cellule ou de grains détritiques agglutinés. Les tests présentent des formes très variées dans leur taille, leur géométrie et le nombre de chambres : une seule ou plusieurs chambres disposées dans un seul plan, en spirale plus ou moins haute, ou dans divers plans. Plusieurs types d’ornementation et d’ouvertures peuvent décorer ces tests. Leur taille varie habituellement entre 50µ et 1 mm.
Les formes vivantes sont soit planctoniques, vivant dans ce cas à la surface de l’océan (de 0 à –300m), ou benthiques, vivant fixées à la surface du fond.
http://www.mnhn.fr/museum/front/medias/dossPresse/6151_FORAMINIFERES.pdf

Extrait du manuel de SVT Bordas-spe 2012 p105

Le carbonate de calcium constituant les tests de foraminifères contient de l'18O et de l'16O dans les mêmes proportions que dans l'eau de mer. En période glaciaire, le volume de glace piégeant l'16O est plus important qu'en période interglaciaire : l'eau de mer est donc proportionnellement enrichie en 18O et le rapport 18O/16O mesuré dans les tests de foraminifères est plus élevé.

Certaines espèces planctoniques caractérisent une eau de surface plus ou moins froide.

Remarque : La température des eaux de surface est déduite du delta 18O du test des foraminifères planctoniques mais cela nécessite de connaître le delta 18O de l'eau. Pour les foraminifères benthiques, on considère que la température n'a pas varié. Les variations de leur delta 18O reflètent alors uniquement les variations du delta 18O de l'océan.

2- Les diagrammes polliniques

TP : Observation de pollens extraits d'une tourbe irlandaise


Les lacs et les tourbières sont des milieux propices à la conservation des spores et des pollens. Une abondance de graminées et un recul de la forêt caractérisent un refroidissement.
En période froide, dans les lacs des régions tempérées, la précipitation des carbonates s'arrête et la sédimentation devient plus détritique en raison d'une érosion plus forte par des pluies plus abondantes.

Pb : Pour les périodes très récentes les mesures du delta 18O et les diagrammes polliniques manquent de précision mais d'autres observations peuvent être faites : lesquelles ?

III- Les modifications climatiques récentes

1- Antarctique / Arctique : une évolution différente

État de la banquise antarctique en février 2012 : elle s'étendait sur 3,5 millions de km2. Cette valeur est peu différente de la moyenne des années 1979-2000 (limitée par le trait rose), contrairement à la banquise arctique.

Source : NASA

Source : http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-dislocation-glace-antarctique-Wilkins.xml

Un lien très intéressant sur l'antartique : http://www.institut-polaire.fr/ipev/les_regions_polaires/antarctique/climat

L'évolution des glaces polaires est sous étroite surveillance depuis plusieurs décennies. Contrairement à la banquise antarctique, la banquise arctique est en régression depuis plusieurs années.

Une grande quantité de glace est piégée sur le continent antarctique et forme un inlandsis. Les précipitations se produisent essentiellement à sa périphérie (le centre est un désert blanc où il ne neige presque jamais).

Si la fonte de la banquise n'a aucune conséquence sur le niveau marin, en revanche la fonte de l'inlandsis et de ses plates-formes qui la bordent contribue à son élévation.

Remarque : un autre facteur tout aussi important est à prendre en compte pour expliquer l'élévation du niveau marin : la dilatation thermique de l'eau...


2- Les glaciers continentaux

Folgefonna, 3rd largest glacier in Norway, 37 km from north to south, 16 km at its widest and 300 m thick at its deepest. Photo : E. Lacouture

Après un recul de 300m en un siècle, ce glacier norvégien progresse à nouveau : +100m depuis 8ans!

Glacier lake, O'Connor pass, Dingle, Ireland. Photo : E. Lacouture

Voir une animation expliquant la formation d'un glacier : http://geology.wwu.edu/dept/faculty/hirschd/courses/101resources/glaciers/31_Glacier.swf

Source

Source

A quelques exceptions près (ex : Folgefonna!), la plupart des glaciers actuels ont un bilan de masse négatif : ils reculent parce que les pertes d'eau dans la zone d'ablation sont supérieures aux apports par les précipitations dans la zone d'accumulation.

Ce recul semble s'accélérer depuis les 20 dernières années.

Correction de l'exercice 8 p 116 et précisions...

1) Les évènements de Heinrich se sont produits pendant une période glaciaire entre 55000 et 15000 ans. Ils correspondent à des niveaux assez fins de sédiments riches en particules détritiques : des quartz issus de roches du socle canadien.

Remarque 1 : IRD (non donné dans l'exercice!) = Ice-Rafted Detritus = débris provenant de fragments de roches arrachés par les glaciers, puis transportés en pleine mer par les icebergs détachés de ces glaciers. Lors de leur fonte, ces icebergs relâchent ces fragments de roches sur le fond marin.


Remarque 2 : dans ces niveaux, Heinrich avait aussi remarqué la prédominance d'un Foraminifère planctonique caractéristique des eaux polaires : Neogloboquadrina pachyderma (forme sénestre)

Les évènements de Heinrich peuvent être associés à des épisodes froids (delta O18 des glaces plus négatif) suivis très rapidement d'un réchauffement brutal (delta O18 des glaces moins négatif). Le document 3 confirme que le climat a rapidement changé durant cette période : les évènements de Heinrich coincident à peu près à une chute des pourcentages de végétaux tempérés/chauds et à une augmentation des pourcentages de végétaux de steppiques et semi-désertiques. Ces refroidissements se font sur de très courtes périodes (1000 à 1500 ans).

2) Le document 1 nous explique que durant une glaciation, dans l'hémisphère nord, l'inlandsis qui gagne vers le sud et déborde au dessus de la mer (ice shelf), peut se fragmenter et libérer de nombreux icebergs. Au cours de leur dérive ces icebergs fondent et libèrent les sédiments arrachés et piégés par le glacier. Nous comprenons ainsi l'origine des IRD.

Remarque 1 : cette explication soulève de nouvelles questions. Qu'est ce qui fragilise la plate-forme de glace (ice shelf) et donc sa dislocation ? (aujourd'hui nous pouvons penser au réchauffement climatique accéléré par les activités humaines mais avant ?) Pourquoi un réchauffement brutal juste après un événement de Heinrich ?

A ces questions, je n'ai pas de réponse toute faite et je vous invite à consulter les pages suivantes (bien sûr pour ceux que ca intéresse sachant que c'est hors programme!) :

http://www-iuem.univ-brest.fr/recherche/publications/courants_no2

http://acces.ens-lyon.fr/acces/terre/paleo/systemclim/gulf-stream/pages_gulfstream/dosscientif/varclimpasse/hypothesegs/hypothesegs

Remarque 2 : la fonte rapide des glaciers est confirmée par les mesures de delta O18 sur les foraminifères planctoniques. En effet, les courbes montrent un enrichissement anormal des eaux superficielles en O16 à chaque évènement de Heinrich : le delta O18 des foraminifères chute alors qu'il devrait augmenter en période froide. Cet O16 supplémentaire provient de l'eau de fonte des glaciers. Une autre conséquence de ce phénomène est la modification de la salinité de l'eau et donc de la circulation thermohaline responsable de climats régionaux...