DES DEBUTS DE LA GENETIQUE AUX ENJEUX ACTUELS DES BIOTECHNOLOGIES |
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Extrait de la couverture de la revue "Les génies de la Science", mai-juillet 2008
Johann Gregor Mendel (1822-1884)), moine dans le monastère de Brno (en Moravie) et botaniste tchèque germanophone, est communément reconnu comme le père fondateur de la génétique. Il est à l'origine de ce qui est aujourd'hui appelé "les lois de Mendel", qui définissent la manière dont les gènes se transmettent de génération en génération. Ses travaux, bien que publiés en 1866 ne seront scientifiquement acceptés que 34 ans plus tard (1900)...
Pb : En quoi les travaux de Mendel ont-ils permis une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes de l'hérédité ?
I- Le contexte scientifique en 1850
1- Des questions scientifiques en suspens...
Manuel de SVT p86-87 : questions 1, 2, 3
... sur la fécondation :
On a observé depuis 1855 la participation d'une cellule mâle et d'une cellule femelle à la fécondation chez une algue, mais on ne sait pas comment se passe la reproduction chez les plantes à fleurs. ... sur l'hérédité : On pense que les cellules reproductrices sont formées de minuscules granules issus de toutes les parties du corps et qu'elles contiennent les structures préformées des différents organes, transmises à la descendance (hérédité directe = théorie des préformationnistes). ![]() On admet aussi que le père et la mère contribuent à parts égales à la formation du nouvel individu qui possède ainsi les caractères intermédiaires entre ceux de ses parents (hérédité par mélange), comme ceux que l'on pouvait observer chez les métis. |
Remarque : à cette époque, on n'avait aucune
connaissance de la notion de support matériel de l’information
héréditaire (chromosomes, gènes, allèles sont des
notions inconnues de Mendel). Il faudra attendre 1953 pour la découverte
de l'ADN et 1961 pour les preuves du rôle joué par cette molécule...
2- L'hybridation : une technique déjà connue à l'époque
Edmond Albius Esclave et orphelin de naissance, il est recueilli par Féréol Bellier Beaumont puis initié par lui à l'horticulture et à la botanique. S'il n'est pas à l'origine de la première fécondation artificielle de la vanille (effectuée par Charles Morren en 1836), c'est lui qui, en 1841 et alors qu'il n'a que douze ans, en découvre le procédé pratique de pollinisation, un procédé qui révolutionne la culture de cette épice[2] et permet à La Réunion de devenir pour un temps le premier producteur mondial |
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Charles Morren Après des études à Gand et à Bruxelles, il obtient un titre de docteur en 1829. En 1833, il enseigne la physique à l’université de Gand puis la botanique à l'université de Liège. Il dirige également le jardin botanique de Liège. Il est célèbre pour avoir découvert la fécondation artificielle de la vanille en 1836. |
TP : dissection d'une fleur d'ajonc
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Fleur sur un rameau |
Fruit fermé = gousse = légume |
Fruit mûr ouvert |
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2 sépales, 4 pétales, 10 étamines soudées au pistil |
Pistil après avoir retiré les pétales
et les étamines... |
Ovules dans un pistil ouvert |
II- La démarche scientifique de Mendel
1- Les motivations de Mendel
Analyse de l'introduction de son mémoire intitulé "Recherches sur les hybrides végétaux" publié en 1866 :
"C’est en procédant, sur des plantes d’agrément, à des fécondations artificielles destinées à obtenir de nouveaux coloris, que l’on a été amené aux recherches qui vont être exposées ici. La régularité remarquable avec laquelle revenaient les mêmes formes hybrides, toutes les fois que la fécondation avait lieu entre les mêmes espèces, donna l’idée de nouvelles expériences dont le but serait de suivre les hybrides dans leur descendance"... G.Mendel, 1866
Mendel cherche à obtenir par hybridation de nouvelles variétés et surtout le moyen d'obtenir des descendants qui conserveraient ces propriétés. Son projet est donc de suivre les hybrides dans leur descendance afin de comprendre comment se transmettent les caractères. Il pense qu'il est nécessaire de croiser des parents dont les traits de caractères sont constants pour avoir des "hybrides stables". Au bout de 2 ans de sélection, il obtient des "lignées pures" ie, des individus qui, croisés entre eux (de toutes générations confondues) ne produisent que des individus exprimant le même trait considéré. C'est le résultat du croisement de ces lignées pures sur deux générations qui vont l'intriguer et l'amener à formuler de nouvelles hypothèses sur la transmissions des traits de caractères. |
Remarque :
Mendel travaille dans un contexte d'amélioration de production végétale et non pas de recherche au sens strict, c'est à dire de compréhension des mécanismes impliqués dans les phénomènes observés.
Pb : Comment Mendel a t-il réalisé ces expériences et quels résulats a t-il obtenu ?
2- Les expériences portant sur un seul caractère : le monohybridisme
Manuel de SVT p90, 91 : questions 1, 2, 3
Un matériel de choix pour l'expérimentation : le pois.
Source : http://www.svt.ac-aix-marseille.fr/pourspip/genetiques/p1.htm
Avantages du pois :
- nombreux caractères différentiels distincts et stables (constants)
- autofécondation : fécondation contrôlable de par la structure de la fleur
- les hybrides sont fertiles : ils donnent des graines (ce qui n'est pas le cas de toutes les espèces végétales, telle la primevère)
- beaucoup de graines produites (7 par fruit)
- cycle de reproduction relativement court
Résultats :
Si les parents sont de lignée pure, alors les hybrides F1 ne possèdent qu'un seul des deux traits parentaux : le trait dominant. L'autre trait, qualifié de récessif ne réapparait qu'à la 2ème génération (F2). Mendel en déduit que les deux traits sont transmis à la F1 et il formule l'hypothèse que chaque trait est porté par un élément transmis à la génération suivante. Il y aurait donc selon lui ségrégation indépendante des caractères héréditaires au moment de la formation des cellules polliniques et ovulaires puis réunion de ces mêmes caractères à la fécondation. |
Remarque : Mendel a aussi observé des variations de certains caractères telle la taille du fruit ou des graines mais il a écarté ces caractères qui ne sont pas nets.
3- Les expériences portant sur deux caractères : le dihybridisme
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Par commodité, Mendel eut le premier l'idée d'attribuer des lettres aux caractères et aux éléments qui les portent. Il choisit : A = forme lisse a = forme ridée B = couleur jaune b = couleur verte Rappel : les notions de gène et d'allèle sont totalement inconnues de Mendel! Face à ce résultat, Mendel formule l'hypothèse que les hybrides F1 possèdent diverses combinaisons d'éléments A, a, B, b en quantités égales. Pour le vérifier il décide de croiser une F1 avec une plante de lignée pure ab et obtient : 24 graines AB 25 graines Ab 22 graines aB 27 graines ab Conclusion : les cellules polliniques ou ovulaires contiennent en égale proportion les combinaisons suivantes : AB, Ab, aB, ab |
Mendel déduit de ces expériences de dihybridisme que les deux couples de caractères se transmettent indépendamment l'un de l'autre à la descendance. |
Remarque : cette affirmation aurait été inexacte dans le cas de caractères gouvernés par des gènes liés. Le hasard a fait qu'il n'a étudié que des caractères gouvernés par des gènes non liés!
Pb : Mendel a montré clairement que l'hérédité ne se fait pas par mélange et il a apporté cette notion fondamentale d'hérédité particulaire. Pourtant, ses travaux sont tombés dans l'oubli pendant 35 ans. Quelles nouvelles découvertes ont conduit les scientifiques à reconsidérer les travaux remarquables de Mendel ?
III- La redécouverte des résultats de Mendel
1- Le lois de Mendel : un hommage posthume
Manuel de SVT p102-103
Au début du XXe siècle, le Néerlandais Hugo de Vries, l'Allemand Carl Erich Correns et l'Autrichien Erich von Tschermak redécouvrent de façon indépendante les lois de l'hérédité, et reconnaissent en Mendel leur découvreur. Cette reconnaissance tardive (près de 35 ans après la publication de Mendel) aurait été mise en avant afin de n'accorder aucune prééminence à l'un des trois botanistes qui ont publié presque simultanément sur le même sujet. Spécialisé dans les recherches sur l'hérédité, Gregor Mendel (1822-1884) avait énoncé, après une série d'expériences sur l'hybridation du pois, un certain nombre de lois sur la transmission des caractères distinctifs. Ses résultats sont rapidement répliqués et validés. Source : Giannini A, Trente-cinq ans plus tard, Les génies de la science, 2008;35:72-78
En hommage à Mendel, l'allemand Carl Correns utilise l'expression "Lois de Mendel" pour définir les principes redécouverts : ♦ Première loi : Uniformité des hybrides en première génération (F1) = 100% phénotype correspondant aux caractères dominants. ♦ Deuxième loi : Pureté des gamètes = Chaque gamète ne contient qu'un seul facteur héréditaire pour un caractère donné (on dirait aujourd'hui une seule version de chaque gène). ♦ Troisième loi : Disjonction indépendante de caractères en seconde génération (F2) = Les différentes versions d'un caractère se séparent et se réassortissent indépendamment les unes des autres. |
Remarque : la 3ème loi n'est pas du tout universelle car il existe des cas de gènes liés qui ne seront découverts que plus tard...
2- De nouvelles découvertes cytologiques
Entre 1879 et 1881: Flemming et Van Beneden observent dans les noyaux des "bâtonnets" qui seront nommés en 1888 "chromosomes". Leur "fissuration" et la migration de leur moitié dans chaque cellule fille est observée au cours de la mitose.
1883 : Van Beneden voit 4 chromosomes dans les cellules d'un petit ver rond (l'ascaris) mais seulement 2 chromosomes dans ses gamètes. Un peu plus tard, les étapes de la méiose seront décrites. On comprend alors que la fécondation rétablit le nombre de chromosomees de l'espèce.
3- Un rapprochement entre les chromosomes et les éléments mendéliens.
Document extrait du manuel de SVT Bordas 2002 p105
Sutton propose que chaque élément mendélien est porté par un chromosome d'une paire homologue. Ainsi les éléments sont séparés en même temps que les deux chromosomes homologues au moment de la formation des gamètes et se réassocient au moment de la fécondation : c'est la naissance de la théorie chromosomique de l'hérédité. |
Pb : Au début du 20ème siècle, les expériences de croisements se multiplient et certains résultats ne semblent pas confirmer les lois de Mendel. C'est un généticien américain, Thomas Morgan, qui apporta des solutions : comment ?
Thomas Morgan (1866 - 1945)
IV- De nouveaux cas, de nouvelles explications...
1- Un cas particulier de monohybridisme : la couleur des yeux de la drosophile
En 1908, Thomas H. Morgan travaille à l'université de Columbia (New York). Il est embryologiste et, après des recherches sur des vertébrés, il se met à étudier le développement de la drosophile (Drosophila melanogaster), une petite mouche des fruits facile à élever et qui se reproduit rapidement. Dans une souche de référence homogène dite sauvage, il repère un jour un mâle dont les yeux ne sont pas rouges comme ceux des autres mouches, mais blancs. Il entreprend d'étudier la transmission de cette mutation appelée "white" en croisant ce mâle avec des femelles de phénotype sauvage aux yeux rouges. Les hybrides obtenus en F1 ont tous les yeux rouges quel que soit leur sexe. C'est la F2 issue du croisement des F1 entre elles qui a surpris : le trait nouveau (yeux blancs) réapparait bien mais uniquement chez des mâles : un hasard ? Morgan en doute et va chercher à l'expliquer. Peu de temps après, son élève, N. Stevens, observe les chromosomes de la drosophile et constate que les femelles possèdent 2 chromosomes X et les mâle 1 chromosome X et 1 chromosome différent appelé Y. Cette découverte importante a permis à Morgan de résoudre le problème que lui posaient les résultats étonnants de ces croisements. Pour ces travaux, Morgan et son équipe reçut le prix Nobel en 1933. |
Document extrait du manuel de SVT spe Bordas 2002 p106
Pour expliquer que ces résultats, Morgan postule que le gène "white" est porté par un chromosome X uniquement. Les croisements 2 et 3 vont confirmer son postulat.
NB : le mot "gène" fut proposé par le biologiste danois Wilhelm Johannsen en 1909, en même temps que les termes de « génotype » et de « phénotype ». Le terme résultait d’une contraction de l’expression de « pangène » forgée vingt ans plus tôt par Hugo De Vries.
Activité : réaliser les échiquiers des croisements 2 et 3.
Pour la première fois un gène est associé à un chromosome précis. En étudiant d'autres caractères chez la drosophile (ex : la longueur des ailes), Morgan a montré que plusieurs gènes étaient associés au chromosome X : il a donc identifié des groupes de gènes liés, ce qui remet en cause la 3ème loi de Mendel (la disjonction indépendante des caractères) dans certains cas. |
Pb : Morgan étudia des cas de dihybridisme pour des gènes liés au chromosome X (couleur des yeux et longueur des ailes par exemple). Un nouveau problème se posa quand il compara les proportions théoriques attendues en F2 et...la réalité qui était tout autre : quelle explication donne t-il à ces nouveaux résultats et pourquoi ?
2- Un cas particulier de dihybridisme : la couleur des yeux et la longueur des ailes de la drosophile
Activité : retrouver les proportions théoriques attendues dans ce cas de gènes liés au chromosome X et les comparer aux résultats obtenus par Morgan.
Soient :
w+, l'allèle responsable des yeux rouges.
w, l'allèle responsable des yeux blancs..
m+, l'allèle responsable des ailes longues.
m, l'allèle responsable des ailes miniatures.
F1 : 2 phénotypes différents selon les sexes, ce qui confirme la liaison de ces gènes au chromosome X (rien de surprenant, Morgan le savait déja)
Echiquier correspondant :
Xw+m+ |
Y |
|
Xwm |
(Xw+m+//Xwm) |
(Xwm//Y) |
Xwm |
(Xw+m+//Xwm) |
(Xwm//Y) |
Proportions de phénotypes et
sexe |
50% [w+m+] ♀ |
50% [wm] ♂ |
Résultats attendus par Morgan en F2 = F1 croisées entre elles
Xwm |
Y |
|
Xw+m+ |
(Xw+m+//Xwm) = [w+m+] ♀ 25% |
(Xw+m+//Y) = [w+m+] ♂ 25% |
Xwm |
(Xwm//Xwm) = [wm] ♀ 25% |
(Xwm//Y) = [wm] ♂ 25% |
Résultats obtenus par Morgan :
Phénotypes |
♂ = 49.5% |
♀ = 51.5% |
[wm] |
391 = 16% |
359 = 14% |
[w+m+] |
352 = 14.5% |
439 = 18% |
[w+m] |
237 = 10.5% |
218 = 9% |
[wm+] |
210 = 8.5% |
235 = 10.5% |
Conclusion : 2 phénotypes inattendus apparaissent en F2!
Morgan eut l'idée de croiser ces données avec les observations de Janssens en 1909 qui avait suggéré la possibilité d'échanges de portions de chromatides paternelles et maternelles d'un bivalent.
Extrait du manuel de SVT spe Bordas 2002 p108
En 1911, Morgan crée un concept nouveau sans en apporter la preuve directe : le crossing-over ou recombinaison homologue. |
Remarque : la preuve sera apporté en 1931 par deux chercheuses américaines (H. Creighton et B. McClintock) grâce à une curiosité du chromosome 9 du maïs... (cf livre p109)
Pb : La découverte des gènes liés a motivé Morgan et son équipe à rechercher la position des gènes sur les chromosomes. Les premières cartes génétiques (= représentations linéaires de l'ordre des gènes sur un chromosome) ont été établies en 1913 : comment ?
V- Les premières cartes génétiques
1- La méthode de Sturtevant
Extrait du manuel de SVT spe Bordas 2002 p110
2- Application
Extrait du manuel de SVT spe Bordas 2002 p110
Les gènes sont ordonnées linéairement sur les chromosomes. On peut calculer la distances relatives entre leurs sites respectifs pour établir des cartes génétiques. En 1930, la nature chimique du gène est encore ignorée et le passage du gène au caractère reste une énigme mais l'on sait : - qu'un gène a un locus (= site) précis sur un chromosome. - qu'un gène peut muter (= changer). - qu'il peut être échangé par crossing-over entre chromatides d'une même paire de chromosomes. |
Correction des exercices 5 et 6 p120