LES CONTINENTS ET LEUR DYNAMIQUE

CHAPITRE 1 : La croûte continentale

Cette carte montre la bordure ouest de l'Europe. Le talus marque la séparation entre la croûte océanique épaisse en moyenne de 5km et la croûte continentale épaisse en moyenne de 30 km.

Acquis de 1èreS : les plaques lithosphériques rigides ont une épaisseur comprise entre 80 et 200 km (100km en moyenne) et reposent en équilibre sur l'asthénosphère ductile.

Pb : Comment expliquer les différences d'épaisseur entre la croûte continentale et la croûte océanique ?

I- Epaisseur et densité de la croûte continentale

1- Répartition des masses dans le globe

Un peu d'histoire des sciences...

LE GEOIDE

Source : Extrait de la conférence donnée à Briançon à l'initiative du CBGA (Centre Briançonnais de Géologie Alpine), le 10 décembre 2011 par Pierre Thomas, professeur à l'École normale supérieure de Lyon.

Pour un point situé à 45° (France), l'accélération de la pesanteur est de l'ordre de: 9,81 m/s² = 981 gal

Sans résistance de l'air, un objet en chute libre à la surface de la Terre, a une accélération de 9,81 m/s²; cela signifie que sa vitesse augmente de 9,81 m/s toutes les secondes.

La mesure des variations de la trajectoire du satellite laser STARLETTE (construit et lancé par le CNES en 1975) permet d'étudier les variations temporelles du champ de gravité terrestre.

Source

 

Ondulations à grande longueur d'onde du géoïde terrestre déterminées à partir de l'analyse des perturbations de trajectoires des satellites.

Source : http://planet-terre.ens-lyon.fr/planetterre/XML/db/planetterre/metadata/LOM-geoide-continental2.xml

La forme de la Terre est déterminée par l’attraction gravitationnelle des masses et les forces induites par sa rotation. Si la Terre était homogène et immobile, elle formerait une sphère.
Clairaut a défini grâce au calcul la forme d’équilibre d’une masse fluide homogène en rotation uniforme soumise à sa propre attraction. Pour les dimensions et la vitesse de rotation de la Terre, il s’agit d’un ellipsoïde de révolution d’aplatissement 1/298.

LES ANOMALIES DE LA GRAVITÉ

Variations de la gravité

À la surface du globe, la valeur de la gravité varie en fonction de la latitude, de l'altitude et des reliefs.
• la latitude : la Terre n'étant pas sphérique, il y a plus de matière entre son centre et la surface à l'équateur, qu'entre le centre et la surface à un des pôles. On est donc plus "attiré" par la Terre à l'équateur.
• l'altitude : elle augmente la distance entre le centre de la Terre et le point de mesure. On est donc moins attiré par la Terre en altitude (on ne tient pas compte ici de la masse de matière entre nous et la Terre).
• les reliefs : ils ajoutent de la matière, donc de la masse, et on est plus attiré par la Terre.

Valeur théorique et valeur réelle

La valeur théorique de la pesanteur est obtenue par calcul, sur l'ellipsoïde de référence, et tient compte de la latitude.
La valeur mesurée (par un gravimètre) ne correspond pas à ce calcul. En effet, la surface de la Terre présente des reliefs ou des creux et il faut tenir compte de :
• l'altitude au-dessus de l'ellipsoïde de référence ; elle augmente la distance donc diminue la gravité.
• la masse de matière située entre le lieu de mesure et l'ellipsoïde de référence ; cette masse de matière augmente la gravité.
• la présence de reliefs près du lieu de mesure ; ces masses surnuméraires influent sur la gravité.

Correction de Bouguer

Il faut donc appliquer à la valeur calculée trois corrections pour retrouver les valeurs mesurées : la correction à l'air libre (altitude), la correction de plateau (masse de matière), et la correction topographique (reliefs).
La somme de ces trois corrections est appelée correction de Bouguer.
La différence entre la valeur mesurée et la valeur calculée corrigée de Bouguer est nommée anomalie de Bouguer.

Exemple : Chamonix gare (altitude 1 038 m)

valeur mesurée 980 332,9 mGal

valeur théorique (calculée pour l'ellipsoïde) 980 712, 7 mGal
valeur corrigée de Bouguer = 980 476, 4 mGal

Anomalie de Bouguer : 980 332,9 - 980 476,4 = - 143, 5 mGal

Source : http://domaine-geologique.com/documents.php?id=30

 

Dans les plaines, les corrections apportées aux valeurs théoriques de la gravité permettent de s'approcher des valeurs mesurées.

Ce n'est pas le cas pour les régions de montagnes ou les fonds marins profonds. L'anomalie de Bouguer est négative à l'aplomb des montagnes et positive au dessus des fonds marins profonds.

 

Pb : La gravité devrait être forte à l'aplomb des montagnes et faible dans les vallées : comment expliquer les anomalies de Bouguer ?

2- Notion d'isostasie

TD : Le réajustement isostasique de la Scandinavie et du Nord-Est du Canada

Source : Extrait de la conférence donnée à Briançon à l'initiative du CBGA (Centre Briançonnais de Géologie Alpine), le 10 décembre 2011 par Pierre Thomas, professeur à l'École normale supérieure de Lyon.

Deux modèles peuvent expliquer les anomalies de Bouguer. Dans le modèle de Pratt comme dans celui de Airy, la différence de topographie ne s'accompagne pas de différence de masse : il existe une surface de compensation au dessus de laquelle les pressions sont équivalentes quelles que soient les colonnes considérées.

Remarque : un troisième modèle, encore plus proche de la réalité a été proposé par Félix andries Vening Meinesz (1887-1966). Il prend en compte l'élasticité de la croûte continentale. L'enfoncement, conséquence de la surcharge, se répartit sur une surface plus grande par "flexure" autour de la surcharge.

Source

Pb : Les données de terrain peuvent-elles valider ces modèles ? Dans le cas du modèle de Pratt, il faudrait montrer qu'il existe bien une hétérogénéité latérale au sein de la croûte. Dans le cas du modèle de Airy, il faudrait rechercher la présence d'une racine crustale sous un relief...

3- Densité et épaisseur de la croûte continentale

TP10 : mesure de la masse volumique du granite et estimation de la profondeur du Moho

source : http://www2.ac-lyon.fr/enseigne/biologie/carip/sismo/calcul.html

correction

Source

Il est possible (avec le théorème de Pythagore) de calculer la profondeur du Moho en connaissant la profondeur du foyer et la distance station/épicentre : elle se situe en moyenne vers 30 km sous les continents et vers 7-8 km sous les océans.

La sismique réflexion confirme le modèle de Airy : le Moho peut atteindre 60 km sous une chaîne de montagne. L'excès de masse est alors compensé en profondeur par une "racine crustale" moins dense (2.7) que le manteau supérieur (3.3).

Le modèle de Pratt est plus représentatif des océans où la lithosphère se refroidit en s'éloignant de la dorsale et augmente de densité. Il explique aussi la différence d'altitude entre les plaines abyssales et les continents (et donc la présence d'un talus continental...).

DM : Quelle est la profondeur de la racine crustale sous une chaîne de montagne de 3000m ? (on prendra d=2.7 et H=50 km pour la croûte continentale et d=3.2 pour le manteau) correction

Pb : la sismique réflexion est une technique de géophysique permettant d'esquisser les structures profondes. Le résultat de cette étude dans les Alpes (schéma ci-dessus) met clairement en évidence l'existence d'une racine crustale profonde. Mais comment expliquer cet épaississement crustal ?

II- Les indices d'un épaississement crustal dans la chaînes de montagne

1- Des indices tectoniques

Faille inverse montrant des crochons (Praia do Beliche, Sagres, Portugal) - Photo : Eric Lacouture, 2016

Socle primaire plissé (Côte un peu au nord de praia do Telheiro, Portugal) - Photo : Eric Lacouture, 2016

 

Modèle analogique (d’après Mattauer, années 1990)

L'affrontement de deux continents de même densité se traduit par des déformations intenses de la lithosphère qui est alors raccourcie :

- Dans les zones profondes où la température est importante, les roches subissent une déformation souple : il se forme des plis (comportement plastique)

- Dans les zones superficielles plus froides, les roches se fracturent au niveau de failles inverses (comportement cassant)

Sur des niveaux plus plastiques que d'autres, des formations géologiques ont pu se déplacer parfois sur de grandes distances : ce sont les nappes de charriage (ex : nappe de Digne)

Exercice : expliquez par une succession de schémas la suite d'évènements géologiques qui ont dû affecter cette région pour obtenir ce résultat surprenant.

2- Des indices pétrographiques

TP11 : exploitation des données de terrain (sortie géologique de la Rance)

Sites à consulter pour ce TP : http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/Rance/Rance_index.html et http://espace-svt.ac-rennes.fr/applic/metam2/metam2.htm

Source

Source : http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/Rance/Rance_index.html

Au cours de leur enfouissement, les roches subissent des pressions et des températures croissantes qui les transforment à l'état solide : on parle de métamorphisme. En présence d'eau, certains minéraux se déstabilisent et interragissent chimiquement entre eux pour donner de nouveaux minéraux. Chaque espèce minérale est caractérisée par son point de fusion. Les minéraux blancs (quartz et felsdpaths) sont les premiers à atteindre ce point de fusion : la roche rentre en fusion partielle ou anatexie. Dans une migmatite, le leucosome correspond à la partie de la roche qui a fondu : sa composition est celle d'un granite. Le mélanosome est formé de minéraux sombres plus réfractaires (point de fusion plus élevé). Un granite issu de la fusion de la croûte est un granite d'anatexie ou leucogranite.

 

Pb : Les roches sédimentaires fossilifères ont permis de caler avec précision des évènements géologiques : c'est la chronologie relative. Mais comment déterminer l'âge d'une roche magmatique ?

III- L'âge de la croûte continentale

1- Principe de la radiochronologie

Rappels des fondamentaux de physique : soit X un nucléide (= noyau d'une certaine espèce)

 AZX

A = nombre de masse = N+Z

Z = numéro atomique = nombre de protons donc d'électrons

Isotope = nucléide de même Z mais de N (donc A) différent

ex : 23892U et 23592U ou 136C et 126C

La radioactivité est une suite de transformations pour que le noyau soit plus stable.

Radioactivité α : noyaux lourds ⇒Transmutation

ex : 23892U → 23490Th + 42He + Energie (cinétique et rayonnante)

NB : Le noyau fils, dans un état excité, revient à l'état fondamental en cédant de l'énergie au milieu extérieur sous forme de photons gamma

Radioactivité β- : noyaux instables par excès de neutrons ⇒Transformation d'un neutron en proton

ex : 8737Rb → 8738Sr + 0-1e + antineutrino

Radioactivité β+ : artificielle (pas intéressant dans notre cas!)

Capture K : capture par le noyau d'un électron de la couche K

ex : 4019K + 0-1e → 4018Ar + neutrino

La loi de désintégration radioactive : Radionucléide Père → nucléide radiogénique Fils

Soit P le nombre d'atomes du père restants au bout d'un temps t :

Si on raisonne sur un petit intervalle de temps : dP/dt = -λP soit dP/P = -λdt

λ = constante de désintégration (rien ne peut la faire varier et il y a très très peu d'incertitude sur cette valeur)

Soit Po le nombre d'atomes à to :

Si on intègre entre Po et P : ∫dP/P = -λt → lnP-lnPo = -λt → ln(P/Po) = -λt → P/Po = e-λt

P = Po e-λt

 

"HELP ! je ne comprends rien à la démo" : pas de panique c'est normal si vous n'avez pas encore vu les intégrales! On peut aussi retrouver cette formule en recherchant la fonction qui vérifie y'=y : c'est à dire ex

dP/dt = -λP correspond bien à P' = -λP

Par définition, en maths (et au programme de Terminale), toutes les fonctions qui vérifient y'=y sont sous la forme y =kex

Donc remplaçons simplement y par P et x par -λt :

Toutes les fonctions qui vérifient P' = -λP sont sous la forme : P = ke-λt

A Po, t = to soit Po = ke0 = k d'où : P = Po e-λt cqfd!

La demi-vie radioactive est le temps nécessaire pour que la moitié d'un nombre initial d'atomes ait disparu : on la note T.

Cherchons la relation entre λ et T : au bout de t = T, P = Po/2

Remplaçons alors P par Po/2 dans la 1ère relation : Po/2 = Po e-λT → 1/2 = e-λT → ln1 - ln2 = -λT

T = ln2/λ

ex pour 8737Rb : λ = 1,42.10-11 an-1 donc T = 4,9.1010 ans = 49 Ga

Que vaut le fils à un instant t ?

Soit F le nombre d'atomes du fils au bout du temps t

F = Po-P P/ e-λt - P

F= P (eλt -1)

Intérêt de cette dernière relation : F et P sont des valeurs mesurables à l'aide d'un spectromètre de masse.

Graphiquement :

 

Il existe deux types de radiochronomètres :

- Des radiochronomètres dans lesquels il n'y a pas de fils à to dans la roche ou le minéral : F= P (eλt -1)

ex : la méthode Potassium - Argon : 4018Ar = 4019K (eλt -1)

- Des radiochronomètres dans lesquels il y a du fils à t0 dans la roche ou le minéral : F= F0 + P (eλt -1)

ex : la méthode Rubidium - Strontium : 8738Sr = ( 8738Sr)0+ 8737Rb (eλt -1)

2- Les choix d'une méthode appropriée à l'échantillon

Source : http://acces.inrp.fr/acces/terre/limites/Temps/datation-isotopique/comprendre/application-a-la-datation

L'échantillon à dater doit avoir "piégé" les éléments P et F depuis sa formation : on dit alors que le système est "fermé". C'est le cas d'une roche magmatique ou métamorphique. L'âge déterminé correspond alors à la fermeture de la "boîte" c'est-à-dire à l'achèvement du processus de cristallisation des minéraux. En revanche, les roches sédimentaires ne peuvent pas être datées par radiochronologie puisqu'elles ne constituent généralement pas des systèmes fermés.

Le choix de l'isotope dépend de sa demi-vie radioactive : au dela de 10 T, la quantité d'éléments est trop faible pour être mesurée.

Enfin le risque d'erreur n'est pas nul en raison de la faible quantité des éléments mesurés et des contaminations possibles.

Remarque : les roches volcaniques donnent des âges plus précis que les roches plutoniques qui mettent plusieurs milliers d'années à cristalliser.

3- Application de la méthode Rb/Sr à un granite de la région

Dans le système, il y avait du fils initialement : 8738Sr = ( 8738Sr)0+ 8737Rb (eλt -1)

Pb : on a une équation et deux inconnues!

Ce problème va être résolu en sachant que le rapport isotopique 87Sr0 / 86Sr0 est constant dans tous les minéraux d'une même roche (il n'y a pas de ségrégation des isotopes lourds), et que la quantité d'isotope 86Sr (isotope stable) ne varie pas au cours du temps.

En divisant l'équation ci-dessus par 86Sractuel qui est d'ailleurs égal à 86Sr0 , nous obtenons :

Isochrone obtenue su le granite à deux micas de Questembert (Massif Armoricain)

Pour construire cette droite isochrone, il suffit d'obtenir les coordonnées (x, y) de plusieurs points en faisant plusieurs mesures sur l'échantillon. La pente nous donnera alors l'âge de l'échantillon :

a = eλt -1

a+1 = eλt

ln (a+1) = λt

t = ln (a+1) / λ

Exercice 10 p162