GENETIQUE
ET EVOLUTION
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La division du monde entre animaux et végétaux peut paraître pertinente à l’oeil nu, mais s’effondre sous le microscope.
Anemonia viridis
Beaucoup de Cnidaires « hébergent » au sein de leurs cellules des algues endosymbiotiques, les zooxanthelles (des dinophytes). Dans certains cas, celles-ci sont transmises de la mère à l’embryon via les ovules. Cette hérédité ressemble à celle des plastes et l’on peut s’interroger : leurs hôtes ne sont-ils pas presque des végétaux? Source : POUR LA SCIENCE - N° 350 DÉCEMBRE 2006 p72, article du professeur Marc-André SELOSSE de l’Université Montpellier II, Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CNRS), à Montpellier. |
1- Un exemple chez les végétaux : la spartine
Activité : manuel p40-41 + doc : La spartine, une espèce surveillée
![]() Spartina anglica (à gauche) et Spartina maritima (à droite) - Photo : E.Lacouture, Pleubian (22) |
![]() Spartina anglica en fleur le 01.10.12 - Photo : E.Lacouture, Pleubian (22) |
Le croisement entre Spartina alterniflora et Spartina maritima à la fin du XIXe siècle a donné naissance à un hybride, Spartina townsendii, au nombre impair de chromosomes : 2n = 61. Les chromosomes de ces espèces étant différents, l'appariement à la prophase 1 est impossible. Sans méiose, la plante se retrouve privée de reproduction sexuée (les épillets se forment mais restent stériles). Néanmoins, par multiplication végétative, l'hybride persiste dans l'environnement jusqu'au jour où un accident de division mitotique entraine un doublement du nombre de chromosome. L'espèce ainsi formée de 2n = 122 chromosomes est qualifiée de polyploïde. Chaque chromosome ayant de fait son homologue, la méiose redevient possible, ajoutant à la multiplication végétative, la possibilité à la plante de fleurir et de former des graines : son pouvoir de colonisation dans le milieu, déjà plus important par le fait de posséder deux génomes au lieu d'un, est encore accru par la reproduction sexuée. Comme la plupart des plantes polyploïdes, Spartina anglica est une espèce invasive très surveillée dans le monde entier. |
Lexique...
Ploïdie : nombre d'exemplaire des chromosomes d'une cellule.
Euploïde : qualifie une cellule dont le nombre de chromosomes est un multiple du nombre de base
Monoploïde = haploïde = 1 seul génome (plus petit ensemble équillibré de chromosomes) : A
Diploïde = 2 génomes : AA → fertile
Triploïde = 3 génomes : AAA → stérile comme les multiples impairs car gamètes anormaux à l'issue de la méiose
Polyploïde = plus de 2 génomes : AAAA, AAAAAA... → fertile
Aneuploïde : qualifie une cellule qui possède un ou quelques chromosomes en plus (ex : trisomie) ou en moins (ex : monosomie)
Autopolyploïdie = duplication du même génome : AA + AA = AAAA
Alloploïdie = association de génomes différents : AA + BB = AABB
2- Un mécanisme important dans l'histoire évolutive des êtres vivants
La polyploïdisation est un mécanisme plus fréquent chez les végétaux que chez les animaux : on estime que 70% des angiospermes (plantes à fleurs) ont connu au moins un épisode de polyploïdisation dans leur histoire évolutive. |
Remarque : on trouve beaucoup d'espèces polyploïdes dans nos assiettes (cf chapitre 6)...
LE SAVIEZ-VOUS ? 30 à 40 % des huitres consommées en France sont triploides !
Pour en savoir plus à ce sujet : http://creaa.pagesperso-orange.fr/doc/14_rapport_triploide.pdf et http://mer-littoral.eelv.fr/les-huitres-triploides/
Document d'appel :
Elysia chlorotica : une limace cleptomane!
Pb : dans la mesure où les chloroplastes sont des organites possédant leur propre ADN, on peut considérer que ces "cleptoplastes" enrichissent le patrimoine génétique de l'animal... Par quel moyen un génome peut-il directement s'enrichir de nouveaux gènes ?
II- Les transferts horizontaux de gènes
1- Des informations apportées par les phénogrammes
Activité : manuel p42-43
Les comparaisons moléculaires aboutissent parfois à des "arbres de parenté" (en réalité des phénogrammes...) très différents d'une molécule à une autre. Ces différences peuvent s'expliquer par des transferts horizontaux de gènes en dehors de toute filiation. |
2- Mécanismes des transferts de gènes
Ex 7 p50 du manuel de SVT Nathan 2012 + TD : les syncytinesIl existe plusieurs mécanismes de transferts horizontaux.
Les bactéries par exemple peuvent échanger des fragments d'ADN par
transformation, transduction ou conjugaison. Les virus à ARN (=
rétrovirus) peuvent intégrer des gènes dans le génome de la cellule
hôte. Si cette cellule hôte est une cellule germinale, le gène viral
sera transmis à la descendance : on parle alors de transfert vertical. En considérant les transferts horizontaux, l'arbre phylogénétique devient un réseau phylogénétique complexe où chaque branche est reliée à une autre! |
Remarque : 10% du génome humain contiendrait de l'ADN d'origine virale. Quelques gènes d'origine virale ont muté et s'expriment pour assurer d'autres fonctions au sein de l'organisme (cf TD : la syncytine)
Lien vers un site intéressant proposant une étude des gènes viraux humains fonctionnels : http://tecfa.unige.ch/perso/lombardf/bist/scenario22/
III- Les gènes du développement
1- Un plan d'organisation contrôlé par des gènes
Schéma de Alain Gallien, Banque de schéma en SVT, Académie de Dijon (source)
Drosophile mutante "antennapaedia" vue de face |
Drosophile normale vue de face |
Chez la drosophile, une mutation au niveau du gène antennapedia s’exprime au niveau de la tête, des pattes se développant à la place des antennes. Il est non seulement actif dans un territoire où il ne l’est pas habituellement mais, de plus, il empêche le gène résident chargé de la mise en place des antennes de fonctionner. Cette mutation entraîne donc des changements dans l’organisation antéropostérieure de l’animal.
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Activation du gène Hox6 chez la souris dans tout le corps : les vertèbres lombaires du mutant portent des côtes comme des vertèbres thoraciques : c’est bien une mutation homéotique. L’existence des côtes sur l’ensemble des vertèbres est un caractère des serpents. Travaux de Moisés Mallo de l' Instituto Gulbenkian de Ciência (Portugal).
Source : http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/biologie-3/d/avoir-des-cotes-ou-ne-pas-en-avoir-une-histoire-de-genes-homeotiques_23579/ |
Un gène homéotique est un gène dont la mutation entraîne l'apparition d’un organe bien formé mais mal placé : une antenne à la place d'une patte chez la drosophile par exemple! Chez tous les animaux, il contient une séquence très conservée (appelée homéoboîte) codant pour une protéine chargée de réguler la transcription d'autres gènes. Un gène homéotique est donc un gène sélecteur capable de donner une identité à un groupe de cellules au cours du développement en contrôlant l’activité d’autres gènes. |
Pour aller plus loin : http://acces.ens-lyon.fr/evolution/evolution/relations-de-parente/comprendre/genes-homeotiques-hlg
Pb : Quel lien y a t-il alors entre les gènes homéotiques et la diversification des êtres vivants ?
2- Des différences dans l'expression des gènes
Manuel Bordas p46-47
Droits réservés - © 2008 Florent Campo-Paysaa
Chez les différentes espèces de pinsons, les becs de grande taille ont été corrélés à une expression forte et précoce du facteur BMP4 (en bleu) dans le mésenchyme présomptif du bec (en gris), durant le développement. Adapté de Grant et Grant, 2002
Droits réservés - © 2008 Florent Campo-Paysaa
La surexpression spécifique de BMP4 dans le mésenchyme du bec chez le poulet induit la formation d'un bec plus large et plus haut que chez l'embryon contrôle. Cette situation rappelle les différences observées au sein de l'espèce G. fortis. Adapté de Grant et Grant, 2002
Comparaison des mammifères des îles méditerranéennes
(Sicile, Crète...) avec des formes continentales apparentées.
Cadre supérieur : le rongeur géant de Sicile (Leithia melitensis)
comparé au loir commun (Glis glis).
Cadre inférieur : le petit cerf de Crète (Megoceros) comparé
à la forme continentale (Çervus elaphus) ; cet exemple, généralement
interprété par les auteurs comme un cas de nanisme, est en réalité
une progenèse (figure réalisée d'après les dessins
de Petronio, 1970).
Source : http://rogov.zwz.ru/Dommergues%20et%20al,%201986_Onto%20Phylo.pdf
Source : Hervé Le Guyader dans son ouvrage "Lévolution" p57 (Belin, Pour la Science)
La progenèse correspond à un raccourcissement, souvent brusque et intense, du développement. Les formes progénétiques sont de petite taille et elles montrent une maturité précoce qui se traduit par un taux de renouvellement des générations fortement accru et donc par une capacité à évoluer plus grande.
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosevol/decouv/articles/chap5/david2.html
Les différences morphologiques entre les espèces proches résultent parfois plus de la chronologie et de l'intensité de l'expression de gènes homéotiques communs que d'une différence génétique. C'est ce qui explique les différents cas d'hétérochronie (modification de la durée et de la vitesse de développement d'un organisme au cours de l'évolution). |
Remarque : Les 4 formes d'hétérochronie ne sont pas à connaître (hors-programme)
IV- Des diversifications sans modification des génomes
1- Des associations entre êtres vivants
TP : observation d'un organisme symbiotique (Xanthoria parietina) + Manuel Bordas p49
Une symbiose entre un champignon et une algue : le lichen (ex : Xanthoria parietina)
Une symbiose entre une anémone et une algue : Anemonia viridis
Une symbiose entre un ver et une algue : Symsagittifera roscoffensis
Source : Xavier Bailly, station biologique de Roscoff (CNRS-UPMC) publié dans Biofutur 299 p44, mai 2009
Certains êtres vivants se sont étroitement associés et tirent chacun profit de cette association : ce sont les organismes symbiotiques. Leur phénotype est souvent modifié par cette relation à bénéfice réciproque : capacité de synthétiser de nouvelles substances (ex : pariétine), changement de comportement (ex : déplacement des vers pour favoriser la photosynthèse)... |
Remarque : Les symbioses ne sont pas anecdotiques dans les écosystèmes. La vie dans les océans dépend de la bonne santé des coraux qui vivent en symbiose avec des algues (les zooxanthelles) car les récifs sont des nurseries et un garde-manger pour de nombreuses espèces. De même, sur terre, 85 % des végétaux vivent en symbiose avec des champignons entrelacés dans leur système racinaire (les mycorhizes) qui facilitent l'absorption des sels minéraux en échange de quelques produits de la photosynthèse.
2- La transmission culturelle de comportements
Manuel Bordas p51 + Exercice 9 p59
Transmission de la technique du lavage des patates douces chez les macaques japonais
Transmission de la technique du cassage de noix chez les chimpanzés de la forêt Taï en Côte d'Ivoire
Transmission d'une stratégie de chasse spectaculaire mais périlleuse chez l'orque
Lorsque des comportements différents entre groupes de la même espèce ne peuvent être attribués à des facteurs génétiques ou écologiques, ils sont probablement culturels. Le terme de "culture" s'applique à un savoir, des habitudes ou des compétences que les individus acquièrent en groupe au cours d'un apprentissage plus ou moins long et complexe. |
Remarque :
Existe t-il des comportements purement dictés par la génétique ?
C'est une question délicate et des chercheurs ont rarement pu faire un lien direct entre comportement et génotype. Cependant des travaux menés en 2002 (Lapidge) sur les abeilles domestiques ont montré que le comportement hygiéniste (c'est à dire l'aptitude à identifier les larves infectées par des parasites et à les jeter hors de la ruche) suit un déterminisme génétique. Ce comportement serait lié à un grand nombre de gènes (au moins 7) et serait plus ou moins prononcé en fonction du degré de leur expression (un trait quantitatif plutôt que qualitatif...)